Les défis d’un retour aux études
Objectifs : Réunir des intervenantes et intervenants des divers milieux concernés afin de :
- prendre acte des réalités auxquelles sont confrontées les cheffes de famille monoparentale qui n’ont pas de premier diplôme ;
- prendre connaissance de l’état des recherches sur cette question ;
- partager l’information sur les mesures en place dans les divers milieux pour leur donner accès à la formation ;
- échanger en atelier sur d’autres moyens qui pourraient être expérimentés pour aider à la scolarisation des mères.
Panel : Réalités et tendances de la formation des adultes
1. Les mères de famille monoparentale en général : M. Jean-Pierre Mercier, professeur, Département d’éducation et de formation spécialisées, UQAM
Les mères monoparentales ne forment pas un bloc monolithique; leur réalité est diversifiée et évolue dans le temps. Le phénomène est évoqué dès 1930; elles sont 13% des familles, et la principale cause est le décès du père. En 1980, le pourcentage est à peu près le même, mais il découle de divorces et de séparations. En 2011, 30% des familles sont monoparentales (au Nunavit, la proportion est de 40%), et la grande majorité sont sous la responsabilité des mères; 60% de ces familles monoparentales sont le fait d’un divorce ou d’une séparation, et 40% de parents qui n’ont jamais été mariées ou en union libre.
Ces familles ont beaucoup de difficultés à concilier travail-famille-(et éventuellement études), ce qui a un impact négatif sur les enfants, en termes financiers, sur le parcours de vie et sur la persévérance scolaire. Beaucoup de jeunes mères n’ont aucun diplôme, ce qui a incité le gouvernement, en 2000, à mettre en place le programme de Ma place au soleil. Dans le tiers de ces familles, les mères avaient de 15 à 24 ans. Monoparentales et sans diplôme, 85% de ces familles vivaient dans la pauvreté, ayant des emplois précaires et peu payés et vivant des difficultés d’insertion professionnelle.
2. Les immigrantes :
a) Mme Mireille Mirambeau, conseillère à La Maisonnée
Elle-même mère de famille monoparentale, Mme Mirambeau a vécu le décrochage scolaire de sa fille. Elle a alors quitté son emploi dans une banque et est entrée à La Maisonnée, organisme qui offre aux personnes immigrantes des services d’accueil, d’employabilité et d’insertion en emploi. Cet organisme accompagne les nouveaux arrivants dans toutes les sphères de leur processus d’intégration : ils vivent en effet un choc culturel important, la plupart du temps ne connaissent ni la langue, ni les coutumes et sont désemparés. Souvent, leurs enfants sont parentifiés. Apprenant la langue plus facilement, à l’école, ils servent d’interprète à leurs parents (davantage à leur mère, souvent plus isolée), tant pour les rencontres avec leur prof, que pour ouvrir un compte à la banque, par exemple. Il est donc important de briser l’isolement de ces mères…
b) Mme Rehema Cibalonza, maman immigrante de Victoriaville
Arrivée de son pays avec ses 4 enfants et ignorant l’anglais et le français (sauf quelques rudiments appris à l’école), son intégration n’a pas été facile. Elle a dû aussi prendre à sa charge les enfants de son frère et faire vivre seule toute cette famille. Dans son milieu, il n’y avait pas d’interprète pour l’appuyer, et elle ne pouvait non plus aider ses enfants dans leur parcours scolaire. Elle s’est tout de même inscrite en francisation dans sa commission scolaire. Elle a toutefois rencontré des obstacles importants en maths et a songé à abandonner ses études, puis elle a appliqué au programme de bourse de Maman va à l’école. C’est avec beaucoup de fierté qu’elle a pu écrire elle-même la lettre de motivation demandée par le programme, et elle a été encore plus fière quand elle a appris qu’elle était sélectionnée pour une bourse, qui lui a permis de rembourser quelques dettes. Elle a décidé de continuer ses études, même sans aide sociale. L’un de ses fils, ayant atteint l’âge requis, a été envoyé au secondaire alors qu’il n’avait pas réussi ses 5e et 6e années du primaire. L’obtention d’une 2e bourse de MVE lui a alors permis de soutenir par des cours privés la motivation de son fils, qui est maintenant au secondaire. Elle-même terminera son secondaire l’an prochain et son objectif est de devenir éducatrice à l’enfance.
Note: Mme Diane Labelle, directrice régionale du développement pédagogique, Conseil scolaire des Premières Nations en éducation des adultes (CSPNEA) devait nous entretenir de la situation des mères autochtones; malheureusement, une urgence médicale l’a empêchée de se joindre à nous.
ATELIERS
ATELIER 1. Comment rejoindre les mères à la maison en vue de leur scolarisation?
Cet atelier vise à présenter l’état de la recherche de l’ICÉA sur cette question et à solliciter l’expérience des participant-e-s sur des pistes qui auraient été expérimentées dans leur milieu pour joindre cette clientèle en vue de la scolariser.
Ressource : Mmes Louise Bouchard, chercheuse de l’ICÉA et Claudie Solar
Programmes, mesures et approches à prioriser :
Louise Brossard a brossé le portrait de ce qu’elle avait recueilli en entrevue avec des organismes pour attirer des femmes dans leurs activités, les amener à utiliser leurs services et à poursuivre leur participation. Les échanges ont permis de recueillir des manières supplémentaires de les rejoindre, notamment par une aide au logement, l’accès aux haltes garderie, le bouche à oreille, et par les réseaux sociaux, un mode de transmission majeur de l’information. Une autre clé est d’aller là où sont les femmes…
Actions à mener :
- Certaines personnes ont mentionné attendre le Répertoire de politiques sur les services éducatifs du Ministère.
- Il faudrait inclure la diplomation des femmes cheffes de famille monoparentale sans diplôme comme enjeu dans une future politique d’éducation des adultes.
ATELIER 2. Ressources externes en appui aux mères de famille monoparentale
Les mères de famille monoparentale ont parfois vécu de la violence, de la pauvreté, de l’isolement… Certaines OSBL peuvent leur venir en aide : maisons de la famille, hébergement, services de garde, aide alimentaire, francisation, etc. Cet atelier vise à échanger sur les programmes implantés et sur leur efficacité.
Ressources : Mmes Martine Poulin, Jeunes mères en action (St-Jean-sur-Richelieu), et Chantal Charest, L’Envolée des mères (Drummondville).
Implantation de milieux d’hébergement temporaires pour les mères de famille monoparentale qui retournent aux études.
Programmes, mesures et approches à prioriser :
Création d’un milieu de vie sûr, stable, solidaire, stimulant pour réussir le projet de vie d’un retour aux études :
- Réponse aux besoins de base, ce qui favorise un projet de vie scolaire;
- Présence d’un accompagnement dans toutes les sphères de la vie;
- Développement d’une prise en charge (empowerment) et solidarité entre mères amenant à un engagement citoyen;
- Ressource essentielle, mais ne s’applique pas à toutes (bonne ressource, au bon moment, pour la bonne personne; s’adapter à la vie collective, à l’encadrement, aux règles…).
Actions à mener :
- Sensibiliser le milieu (quartier plus social, santé, scolaire, juridique) à cette ressource;
- Favoriser la création d’autres milieux d’hébergement ailleurs au Québec;
- Développer des partenariats avec d’autres acteurs auprès des mères (maisons d’hébergement pour femmes victimes de violence, Centres Jeunesse, milieu de l’éducation, CLSC, garderies, etc.) pour favoriser l’implantation et l’action des milieux d’hébergement.
ATELIER 3. Les mesures d’aide financière et d’insertion en emploi
Autant pendant leurs études qu’une fois leur diplôme obtenu, des ressources financières limitées sont un casse-tête permanent pour la plupart des mères de famille monoparentale. Cet atelier vise à partager de l’information sur les ressources financières qui leur sont disponibles : programmes de prêts et bourses, notamment au secteur professionnel, bourses accessibles, Emploi-Québec et mesures d’insertion professionnelle, Ma place au soleil,…
Ressource : M. Harry Hébert, Services Emploi-Québec
Les services publics d’emploi ont pour mission de rendre accessible l’information et d’aider les personnes à la recherche d’un emploi :
- Services de solidarité sociale;
- Services de renseignements gouvernementaux;
- Services universels et spécialisés;
- Services d’accueil;
- Services de placement en ligne;
- Services spécialisés aux individus : les services offerts :
- Évaluation de la situation (cv, aptitudes et compétences, conditions de vie,…)
- Parcours individualisé vers l’insertion, la formation et l’emploi;
- Programmes et mesures actives d’emploi.
- (Note : une personne peut être admissible à une mesure, sans être nécessairement admissible à l’aide financière)
Actions à mener :
- Faire des interventions concrètes pour qu’Emploi-Québec soit plus actif à l’égard des mères de famille monoparentale;
- Faire des représentations auprès du Ministre;
- Le gouvernement doit réinvestir des sommes pour les services à la population;
- Il faut que l’accompagnement des mères s’inscrive sur plus d’une année.
ATELIER 4. Comment, pour des mères de famille monoparentale, concilier famille-études?
Cette conciliation, difficile pour tous les parents, présente des obstacles particuliers pour les cheffes de famille monoparentale. M. Mercier présente sa recherche et échange avec les participant-e-s sur cette conciliation et sur les pistes facilitant cette conciliation.
Ressource : M. Jean-Pierre Mercier, professeur à l’UQAM, Éducation et formation spécialisées
Programmes, mesures et approches à prioriser :
- Le programme Ma place au soleil doit rester, mais doit être révisé;
- Prise en charge financière (transport, logement, frais de garde, frais dentaires, etc.), avec soutien psychosocial pour éviter le décrochage;
- Soutenir les mères afin qu’elles se construisent un réseau;
- Les mesures d’Emploi Québec devraient être plus flexibles.
Actions à mener :
- Élaborer une politique familiale inclusive incluant les différents niveaux d’études (FGA, FP, CEGEP, université); cette politique tiendrait compte des changements tout au long de la vie;
- Humaniser et personnaliser toutes les mesures pour les faire répondre aux besoins différents des personnes qui y ont accès.
ATELIER 5. Mesures d’appui à l’orientation
À leur retour aux études, les mères ont besoin d’appui pour choisir leur orientation. Cet atelier vise un échange sur les ressources qui peuvent les aider dans cette démarche : Services d’accueil, de référence, de conseil et d’accompagnement (SARCA) des Commissions scolaires, Service d’Orientation et de Recherche d’emploi pour l’Intégration des Femmes au travail (SORIF), à Montréal, Mères et Monde à Québec et dans d’autres régions du Québec.
Ressources : Mmes Chantal Fournier, SARCA, CS Marguerite-Bourgeois, et Chloé Landreville, SORIF
Programmes, mesures et approches à prioriser :
Viser pour tous (dont les mères cheffes de famille monoparentale, mais pas uniquement) l’obtention du DES, sans viser à tout prix une formation subséquente, puisque souvent le DES est la porte d’entrée essentielle et suffisante pour accéder à l’emploi.
Actions à mener :
- Assurer l’accès à la formation et à la scolarisation des mères;
- Mettre sur pied par Emploi-Québec de mesures pour financer l’obtention du DES;
- Augmenter la flexibilité des programmes, notamment quant à leur financement;
- Rendre tous les programmes de formation accessibles à temps partiel;
- Avoir une sensibilité plus grande dans l’application des programmes pour les mères monoparentales et immigrantes;
- Augmenter l’accès au transport scolaire.
ATELIER 6. Ressources pour les mères étudiantes
Une fois inscrites, les mères de famille monoparentale ont à relever des défis particuliers pour persévérer dans leurs études (maladie des enfants, difficultés de transport, services de garde non disponibles, …). Cet atelier vise à faire le relevé des mesures disponibles comme Ma place au soleil et L’École des parents, ou de celles qui pourraient être implantées pour répondre à ces besoins.
Ressources : Mmes Marielle Thibodeau, Programme de scolarisation en Estrie; Véronique Dubois, MOMS (Mouvement organisé des mères solidaires), région de Terrebonne; Élisabeth Croteau, REVDEC (organisme de lutte au décrochage scolaire), région de Montréal; et Nadia Hudon et Marie-Josée Clermont, L’École des Parents, CS Rivière du Nord.
Toutes ces organisations, malgré des mesures et modes de fonctionnement variés, soutiennent les mères et par le fait même leurs enfants. Quelques objectifs poursuivis :
- Soutenir le retour aux études de la mère à la maison qui n’a pas de DES;
- Briser l’isolement des mères;
- Les soutenir pour concevoir et mener à terme un projet;
- Offrir de la formation à distance assistée pour maintenir la motivation des mères;
- Offrir sur place des services d’accompagnement par des intervenantes : enseignante, éducatrice spécialisée, intervenante sociale,…;
- Développer l’estime de soi et valoriser d’autres compétences que celles d’être mère;
- Faciliter l’accès à l’école par diverses mesures structurantes (transport, aide financière, service d’orientation, de garderie,…) et flexibles (par exemple, formation sur une plus longue période et non en fonction du modèle rigide de 30h/semaine);
- Soutenir les mères dans leurs efforts pour compléter leurs études et obtenir un premier diplôme.
A la fin de cet atelier, deux éléments majeurs ont été identifiés pour améliorer la situation des mères monoparentales qui veulent retourner aux études.
En premier lieu, il faut développer davantage et soutenir adéquatement des mesures structurantes avec des enveloppes budgétaires suffisantes afin que les mères puissent avoir accès à des services qui leur permettent de se sentir soutenues lorsqu’elles s’engagent dans une démarche de scolarisation. Les problématiques de financement des différents organismes qui interviennent auprès des mères sont bien souvent un frein aux initiatives pour leur venir en aide.
Deuxièmement, les différents ministères touchés doivent être en mesure de documenter et mesurer les effets de ces mesures afin de procéder à des ajustements.
Mais LA PREMIÈRE CONDITION est que le gouvernement en fasse une priorité. Ainsi, les mères monoparentales sortiront de la pauvreté, seront fières d’elles et poursuivront leur vie active avec de réelles perspectives d’avenir, pour elles et leurs enfants. Bref un beau projet pour le Québec.
Programmes, mesures et approches à prioriser :
- Au centre FGA, avoir un horaire calqué sur celui des enfants (garderie, journées pédagogiques,…);
- Horaire sur 3-4 jours semaines; et permettant la flexibilité sur le nombre d’heures en classe;
- Inscription en continu;
- Ajout d’ateliers aux cours de base (sur le TDAH, l’aide aux devoirs, l’organisation familiale, …);
- Rencontres en orientation et services conseils;
- Gratuité (frais scolaires, transport, lunch…);
- Présence d’une intervenante en tout temps
Actions à mener :
- Adapter les services (petits groupes, ateliers, intervention rapide,…);
- Amener les services du gouvernement vers les femmes, mettre les ressources autour des mères;
- Tenir davantage compte de l’approche communautaire, qui est plus flexible;
- Soutenir les mères financièrement par des incitatifs (par exemple, un montant hebdomadaire);
- Avoir des moments de répit avec l’accès à la halte-garderie;
- Diversifier les approches et assouplir les modes de financement du MEES.